La femme;
J’ai toujours dessiné et j’ai rêvé de peindre dans ma première vie mathématique et informatique.
Mon premier contexte; Installation à Bruxelles, l’Art nouveau. Mes coups de cœur; Klimt, Schiele, Vuillard. Mon
sujet; la femme. Ma gourmandise : les couleurs.
L’oeuf
Retour en France. Je découvre Morandi et attrape une forte addiction à la subtilité de ses jeux de
valeurs. Alors, dans mes toiles, je dépose des œufs près de femmes callipyges et je « ponds » des nuances de gris,
comme on cherche un goût subtil, un secret qu’on aurait sur le bout de la langue.
Ce travail de peinture sur la plastique ronde des fessiers et des œufs évolue doucement vers l’abstraction. La caricature
des corps devient un prétexte pour donner naissance à des compositions aux matières minérales. Les femmes
reprennent des couleurs contrastées et des formes exagérées, comme des sumos sculptées dans le granit rose qui m’est
cher. Elles s’assemblent, se ressemblent, se rassemblent. Le dessein n’est pas défini, le dessin lui, parle d’unité, de
femmes légères lorsqu’elles font bloc.
L’homme
Si la femme est au cœur de mes créations, l’homme en est l’une des sources, il « poumone ». Je
peins la femme, et dépeins l’homme à l’encre. Mon trait est alors rapide et la mine court, libre dans cette ambiance
spontanée des dessins de presse dans lesquels j’ai baigné, enfant. Je peux jouir du graphisme noir et blanc, jouer de la
ligne pour manipuler des fils de pouvoir et figurer avec dérision le cynisme ambiant.
Ce travail prend une autre respiration dans un geste compulsif avec lequel je m’oublie, où toute intention s’envole.
Alors je brode à l’encre à l’infini des visages nés sidérés. Cet assemblage de trognes structure des formes biologiques
au sein desquelles je remets l’homme au centre de toute vie.
…
La femme se fraye un chemin et réapparait dans ces dentelles. Sur mes toiles, je brode des robes
qui suggèrent leurs corps. Pour les faire exister davantage, je modèle le plâtre et la terre pour faire s’embrasser
dentelles et sculptures, dentelles et céramiques.
Une forme de larme apparaît comme coulée d’un dessin. J’en assemble plusieurs comme une araignée tisse entre elles
des gouttes d’eau. Cette forme me ramène naturellement à l’oeuf, sculpture naturelle magnifique et symbolique de la
vie. Je brode alors mes visages sur des œufs de grande tailles, autruches, nandous, émeus, j’en suspends quelques
dizaines en équilibre dans l’espace et un univers se crée. Des visages d’hommes surplombant le vide, leurs angoisses
tissées entre elles, à la merci de la fragilité d’un œuf.